Les maisons de Jane Birkin et Serge Gainsbourg, couple légendaire (2024)

Sur la porte d’entrée, on repère une affiche en papier sur laquelle Lou Doillon a griffonné « Bonjour et bon retour » ; un rituel qui attend Jane Birkin après chaque voyage outre-Manche, explique t-elle. Le petit jardin est jonché de jouets pour enfants, de gamelles pour animaux et d’une cabane à outils en bois — « on sent que ça vit beaucoup, Betty en abuse » rigole-t-elle, évoquant les frasques de son chien bien-aimé qui la suit partout. À l’intérieur, l’interview se poursuit dans le jardin d’hiver qui jouxte la cuisine, un méli-mélo de souvenirs sous verrière. Sur la table basse, une cage à oiseaux cohabite avec des livres, un panneau décoratif représentant une scène animalière habille le mur, du lierre grimpe un peu partout. Jane Birkin se livre alors à cœur ouvert sur sa carrière, s’affaire à ranger la cuisine avec Laurent Boyer avec qui elle prépare des tartines tout en poursuivant la conversation. Authenticité et joyeux bordel n’ont jamais fait si bon ménage.

Le presbytère de Jane Birkin, en Normandie

Entre 1975 et 1991, Jane Birkin se rend régulièrement chez elle, dans une bâtisse normande de caractère. Le 9 avril 1976, Jane Birkin participe à l’émission télévisée Côté Jardin, un magazine culturel présenté par Michel Caste et archivé par l’INA. L’entretien est enregistré à l’occasion de la sortie du film Je t'aime moi non plus dans lequel elle joue aux côtés de Serge Gainsbourg. Le journaliste interroge Jane Birkin sur le presbytère qu’elle a acheté en Normandie, dans le Calvados — « est-ce que vous y allez souvent ? » demande-t-il. « Je n’y ai pas mis les pieds en deux ans, ah si, j’y étais avec les filles, on a fait un week-end sur les matelas pneumatiques » répond t-elle en souriant. Jane Birkin précise que la maison donne sur un cimetière et qu’elle « a peur la nuit dans la campagne » avant d’expliquer qu’elle compte acheter des animaux pour ses filles et la maison.

Une ancienne maison de curée

L’interview révèle quelques détails de son quotidien normand, le fait qu’elle y dorme chaque nuit avec ses boules Quies car elle n’aime pas le silence, par exemple. Jane Birkin achète l’ancien presbytère de Cresseveuille dans les années 1970 avec Serge Gainsbourg. Elle confiait sur les ondes de France Inter : « Ça donne sur le cimetière et l'autoroute, c'était une maison de curé. J'avais de la chance, je l'ai acheté pour peu de choses et parce que j'ai eu de l'argent tout d'un coup, avec le film La moutarde me monte au nez, j'ai foutu tout mon argent là-dedans. C'était un coup de folie parce que j'ai adoré cette maison, c'était formidable. » Jane Birkin et Serge Gainsbourg vendent la propriété dans les années 1990, après les premiers pas de Charlotte Gainsbourg et Kate Barry dans le jardin. En 2018, Charlotte Gainsbourg évoque ces souvenirs d’enfance à Ouest-France, lorsqu’elle est invitée au festival Beauregard près de Caen : « Avec Kate, on a regardé des milliers de fois Peau d’âne. Mon premier amour, Didier, c’était là-bas aussi. Il avait l’âge de ma sœur, j’étais folle de lui à 7 ans. Mais c’est la fille de Gabrielle, la meilleure copine de ma mère, qui a fini par l’embrasser. C’était une maison modeste » avant de poursuivre : « on y a passé des moments inoubliables entre 1975 et 1991, l’année de sa disparition. »

Le manoir de Jane Birkin, en Bretagne

Nous sommes au bord de l'Aber Benoît, dans le nord-Finistère, là où Jane Birkin venait se réfugier depuis trente ans — elle pose ses valises à quelques encablures de Lannilis dans les années 1990. Sur la rive sud de la rivière, là où l’eau serpente entre massifs d’hortensias, vols de hérons et sentiers boisés, se détache le manoir breton de Jane Birkin.

Une région de cœur pour Jane Birkin

L’actrice confiait d’ailleurs à France 3 que « le pays des Abers était (sa) destinée ». Elle poursuit : « dès que j’ai vu cette maison qui donnait sur la plage où mon père est venu, j’ai su. Cela me semblait trop beau. C'est d'ici que, pendant la guerre, mon père a fait une trentaine de missions autour de l’Aber-Benoît en embarquant les gens, pour les éloigner de ces côtes qui étaient couvertes d’Allemands. » En effet, le père de Jane Birkin, l’officier David Birkin, exfiltre les pilotes anglais sur les côtes pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dans l’émission Entr’actes, diffusée le 20 septembre 1993 et archivée par l’INA, de nombreuses séquences sont tournées dans la maison bretonne. Au cours de l’interview, Jane Birkin revient d’abord sur son concert au Bataclan, au cours duquel elle chante avec sa nouvelle coupe de cheveux courte — « Je voulais qu’on m’oublie, qu’on entende seulement les paroles et la musique, être une sorte de voix », dit-elle au journaliste. La chanteuse se confie sur sa carrière, notamment La Pirate, « l’un de (s)es films préférés ». « Il me ressemble beaucoup » explique-t-elle. La suite du reportage nous emmène dans sa Bretagne de cœur, sur un bateau en bois et entre les îlots et sur fond de paysage sauvage. Jane Birkin évoque sa relation avec son père, sa volonté immuable de ne jamais le décevoir : « Quand papa me disait ‘’Oh Jane tu m’as déçu, je ne pensais pas que tu serais capable de ça’’, comment rattraper ça ? » s'interroge-t-elle à voix haute. Sur les plages de cet aber breton, David Birkin exfiltre les pilotes anglais pendant la Seconde Guerre Mondiale. « Il avait réussi à embarquer des gens le jour de Noël et ma mère était fâchée parce que c’était leur premier Noël ensemble. Elle ne comprenait pas ce qu’il fichait, pourquoi il n’était pas là. Il n’a jamais dit ce qu’il faisait pendant la guerre parce que c’était trop dangereux et puis, un jour elle a compris » explique Jane Birkin. Bandes-dessinées de l’époque, mobilier en rotin d’allure romantique, photographies en noir et blanc, ainsi que beaucoup d’effets personnels trouvent leur place dans cette propriété en bord de mer.